Les directions d’école sonnent l’alarme sur la santé mentale des élèves
Les directions d’écoles de l’Ontario affirment que leurs écoles ne sont pas suffisamment soutenues pour aider les élèves qui continuent à lutter contre les conséquences de la pandémie. Selon les réponses au sondage annuel sur les écoles de l’Ontario (SAEO) 2022-2023 de People for Education, les directions d’école font état d’une augmentation des problèmes de comportement, de difficultés d’autorégulation chez les élèves et d’une variété de troubles de santé mentale non résolus.
Les nouvelles données de People for Education – fondées sur les réponses à un sondage mené auprès de 1044 écoles dans les 72 conseils scolaires publiques de l’Ontario – révèlent que le pourcentage d’écoles n’ayant pas accès à des psychologues a doublé au cours des dix dernières années et que la géographie joue un rôle important dans l’accès des écoles à du personnel de soutien comme des travailleuses et travailleurs sociaux, des spécialistes en santé mentale et en toxicomanie, et des travailleuses et travailleurs auprès des enfants et des jeunes.
Des jeunes en difficulté partout au pays
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, les troubles de santé mentale seront la première cause d’invalidité dans le monde d’ici 2030, et « lorsque les troubles mentaux des adolescents ne sont pas pris en charge, les conséquences se font sentir jusqu’à l’âge adulte, ce qui nuit à la santé physique et mentale et limite la possibilité de mener une vie épanouissante à l’âge adulte. »
Des données récentes de Statistique Canada montrent un déclin général de la santé mentale des jeunes de 12 à 17 ans au pays. En 2019, 73 % des jeunes de 12 à 17 ans décrivaient leur santé mentale comme très bonne ou excellente, mais ce chiffre est passé à 61 % en 2022.
De plus, un nouveau rapport du Bureau de santé publique de Toronto soulève des préoccupations relatives à une augmentation de près de 30 % des visites aux urgences liées à l’automutilation chez les enfants et les jeunes. Le rapport contient des données tirées des sondages du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), selon lesquelles 59 % des élèves de l’Ontario ont déclaré ressentir un plus grand sentiment de déprime quant à l’avenir depuis la pandémie, et 39 % ont indiqué qu’elle avait aggravé leur santé mentale.
Pour répondre aux préoccupations les plus communes concernant la santé mentale des jeunes, le CAMH est en train de mettre sur pied la Canadian Youth Mental Health Insight Platform (CYMHI), qui facilitera non seulement la recherche et le partage des connaissances, mais qui fournira également un portail permettant de mettre les jeunes en contact avec les services offerts dans leur région.
Les écoles ne peuvent pas guérir les maladies mentales à elles seules, mais elles peuvent constituer la première porte d’accès aux services et au soutien.
La santé mentale et le bien-être : un défi majeur pour les écoles
Nous entendons sans cesse parler de la santé mentale des élèves, mais où est le personnel de soutien? Il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de travailleuses et travailleurs auprès des enfants et des jeunes, ou de travailleuses et travailleurs sociaux affectés aux écoles. Dans certains cas, les travailleuses et travailleurs auprès des enfants et des jeunes ne peuvent pas se trouver dans la même école secondaire chaque jour, car leur tâche de travail est partagée par deux écoles. Ce personnel ne peut pas développer de sentiment d’appartenance et de confiance avec les élèves s’il n’est pas dans le bâtiment.
Direction d’école secondaire, région du Grand Toronto (RGT)
Au début de la pandémie de COVID-19, les écoles de l’Ontario se sont surtout concentrées sur les mesures de sécurité et sur la logistique de l’apprentissage à distance. Cette année, les directions affirment que le soutien à la santé mentale et au bien-être est leur priorité.
Selon la direction d’une école élémentaire de la RGT : « Les besoins des élèves ont augmenté de manière importante à cause de la COVID-19 : autorégulation, littératie, numératie et bien-être mental. En raison des répercussions de la COVID-19, de nombreux élèves rencontrent beaucoup plus de difficultés. »
Quelques conclusions du SAEO de 2022-2023:
- 95 % des écoles déclarent avoir besoin de soutien ou d’un soutien accru pour la santé mentale et le bien-être des élèves.
- Seulement 9 % des écoles indiquent avoir régulièrement accès à une spécialiste ou à un spécialiste en santé mentale et en toxicomanie, ou à du personnel infirmier, et 46 % des écoles déclarent ne pas y avoir accès du tout.
- 28 % des écoles élémentaires et secondaires indiquent ne pas avoir accès à une ou un psychologue, que ce soit en ligne ou en personne, ce qui représente près du double du pourcentage observé en 2011.
- 93 % des écoles déclarent avoir besoin de personnel de soutien tel que des assistantes et assistants en éducation, du personnel administratif et des concierges.
- 56 % des écoles élémentaires et 64 % des écoles secondaires rapportent avoir collaboré avec des organismes locaux de santé mentale. Les directions d’école ont fait remarquer que ces types de collaboration pourraient apporter un soutien indispensable aux élèves et à leurs familles et alléger certaines des pressions supplémentaires exercées sur le personnel enseignant.
Les troubles de santé mentale chez les élèves, les familles et le personnel ont considérablement augmenté. Il serait extrêmement bénéfique d’avoir, au minimum, une travailleuse ou un travailleur social et une ou un psychologue à temps plein (pas qu’une fois par semaine ou par mois) dans toutes les écoles. Les élèves, les familles et le personnel ont grand besoin de soutien.
Direction d’école élémentaire, Sud-Ouest de l’Ontario
Inégalités régionales
La géographie joue un rôle important dans le niveau d’accès des écoles au personnel pouvant apporter un soutien à la santé mentale des élèves. Les écoles des milieux ruraux sont moins susceptibles d’avoir accès à des psychologues, à des travailleuses et travailleurs sociaux et à des spécialistes en santé mentale que les écoles des milieux urbains.
Selon une direction d’école du Sud-Ouest de l’Ontario : « Le fait d’être dans une région rurale signifie que nos élèves et leurs familles n’ont pas un accès équitable aux services. Les familles doivent se rendre à la ville la plus près pour les évaluations et la plupart des traitements; ce qui implique d’avoir accès à un véhicule, de pouvoir payer l’essence et d’avoir le temps de le faire. Aucun transport en commun n’est offert. »
L’épuisement du personnel : un cercle vicieux
Ce qui aiderait, ce serait de soutenir le personnel lorsque des personnes sont en congé pour des raisons de santé mentale. Les personnes qui ne sont pas en congé doivent combler l’absence des autres, ce qui leur cause des problèmes de santé mentale à leur tour. C’est un cercle vicieux.
Direction d’école élémentaire, Sud-Ouest de l’Ontario
Les directions d’école ont également exprimé de sérieuses inquiétudes quant à la santé mentale et au bien-être de leur personnel. Dans bon nombre de leurs réponses, elles ont indiqué que les membres du personnel enseignant et du personnel de soutien vivent de l’épuisement professionnel, ce qui entraîne une augmentation des problèmes de santé mentale du personnel, qui mène à son tour à une augmentation de l’absentéisme et à une pression accrue sur le personnel restant.
Dans certains cas, les directions indiquent qu’elles disposent de fonds pour embaucher des travailleuses et travailleurs en santé mentale, mais que personne n’est disponible pour pourvoir ces postes dans leur région.
On attend du personnel qu’il offre du soutien en santé et bien-être mental, mais il a lui-même besoin de recevoir ce type de soutien. Depuis plus de deux ans, la charge de travail n’a fait qu’augmenter (et rien n’indique qu’elle va se stabiliser). Le personnel est surchargé et surmené.
Direction d’école élémentaire, Est de l’Ontario
Recommandations pour améliorer les ressources et groupe de travail sur l’éducation
Les défis persistants liés à la dotation de personnel, le manque quotidien de personnel de soutien pour le rétablissement post-pandémie, les annulations quotidiennes d’autobus, le manque d’orientation et de travail social pour toutes les familles, et l’accent mis sur le « rattrapage » alors que des problèmes structurels importants continuent de représenter des défis majeurs. Tout le monde semble penser que nous sommes de « retour à la normale », alors que chaque jour est un défi pour le personnel et les familles. Cela met une pression incroyable sur le personnel essentiel (administratif et autre) qui continue de se rendre au travail et qui s’épuise de plus en plus. On ignore ce que le système peut supporter de plus, surtout avec les problèmes connus de main-d’œuvre et les grèves éventuelles.
Direction d’école élémentaire, Nord de l’Ontario
Dans leurs réponses, les directions ont souligné trois principaux messages pour le ministère de l’Éducation :
- Se concentrer sur le financement des ressources humaines, en particulier le personnel de soutien en santé mentale et en bien-être;
- Accroître l’accès au soutien pour les familles et les communautés;
- Reconnaître à quel point la pandémie a été difficile pour les communautés scolaires.
Depuis le début de la pandémie, People for Education et d’autres organismes ont recommandé à la province de créer un groupe de travail auquel participeraient toutes les parties prenantes du secteur de l’éducation, y compris les directions de l’éducation, les fédérations de personnel enseignant, les conseils de direction d’école, les syndicats représentant le personnel de soutien, les organisations d’éducation préscolaire et d’enseignement élémentaire, la santé publique, les associations de conseils scolaires, les organisations étudiantes, Santé mentale en milieu scolaire Ontario, les doyennes et doyens en éducation et les associations d’enseignement autochtone.
Les réponses des directions d’école au SAEO 2022-2023 dressent le portrait d’un système et d’un personnel soumis à de fortes pressions. Un groupe de travail sur l’éducation pourrait évaluer si le financement est adéquat et si le personnel et les élèves sont soutenus par des politiques et des programmes complets pour répondre aux demandes actuellement croissantes de soutien en matière de santé mentale et de bien-être dans les écoles publiques de l’Ontario.